L’eau dans la métropole de de Montpellier : comment la gérer et comment la préserver ?
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2ieme session : « L’eau dans les rivières »
Compte-rendu du café vert du mardi 7 septembre 2021

Quels thèmes autour de l’eau ?

Cette seconde réunion publique a été organisée par le groupe local EELV de Montpellier dans le cadre de ses cafés verts qui sont des lieux de débats sur des sujets de société d’intérêt et d’importance pour les citoyens de Montpellier et de la métropole. Le sujet de l’eau est large et Montpellier, par ses conditions climatiques, sa position littorale, et son rapide développement urbain, se situe au carrefour de nombreuses problématiques. Il a ainsi donné lieu à la programmation de deux cafés verts, le premier sur les questions relatives au « petit cycle » de l’eau, celle qui coule dans les tuyaux et qui est destinée à être consommée qui s’est tenue le jeudi 26 octobre et qui a donné lieu à un compte-rendu disponible ici. Un second café vert, objet de ce compte-rendu s’est le 7 septembre 2021 en présence plus de 70 personnes et a porté sur le « grand cycle » de l’eau, celle qui coule dans les rivières.



Cette programmation a été conçue par un groupe de travail constitué par les personnes suivantes :
Sami Bouarfa : Groupe local EELV de Montpellier
Virginie Chambard : Groupe local EELV de Montpellier
Véronique Negret : Maire de Villeneuve-lès-Maguelone ; Vice-présidente de Montpellier Métropole
Bruno Paternot : Conseiller municipal de Montpellier
Catherine Ribot : Conseillère municipale de Montpellier
Thierry Ruf : Groupe local EELV de Jacou
Emmanuel Torquebiau : Groupe local EELV de Montpellier
Isabelle Touzard : Maire de Murviel-lès-Montpellier ; Vice-présidente de Montpellier Métropole
Thierry Vindolet : Conseiller municipal de Castries


Le grand cycle de l’eau : l’eau dans les rivières

Montpellier dispose de rivières, sources de biodiversité mais déjà largement artificialisées. Le climat méditerranéen de Montpellier, extrême par nature avec des sécheresses et des inondations récurrentes, est déjà (et sera encore davantage à l’avenir) particulièrement affecté par le changement climatique. Les questions de biodiversité dans les rivières, de prévention des inondations, de patrimoine hydraulique, et des relations entre l’eau et la politique agroécologique ont été discutées dans ce deuxième café vert consacré au grand cycle de l’eau avec un focus particulier sur le Lez.

Les personnes suivantes sont intervenues (dans l’ordre d’intervention) :

  1. Ouverture par Bruno Paternot, membre du SYBLE au titre de Montpellier Métropole
  2. Introduction par Véronique Negret, Maire de Villeneuve-lès-Maguelone et Vice-présidente de Montpellier Métropole sur les enjeux du grand cycle de l’eau
  3. Comment lutter contre les inondations et préserver la biodiversité du Lez par le Anne Boursiac animatrice du SYBLE (syndicat du bassin du Lez)
  4. Analyser sur le long terme les impacts des inondations : l’observatoire SO-II par Frédéric Grelot économiste de l’environnement à L’INRAE
  5. La valeur patrimoniale de la vallée du Lez et de ses paysages et patrimoines
  6. La question de l’eau dans les politiques agroécologiques de la Métropole de Montpellier par Isabelle Touzard, Maire de Murviel-lès-Montpellier et Vice-présidente de Montpellier Métropole

Un conte sumérien « La goutte d’eau qui voulait aller à Jérusalem » a été dit par Isabelle Dangerfield en prologue du café vert (texte en fin de CR).

Comment faire face aux enjeux de biodiversité et d’inondation ?

Notre territoire est un territoire d’extrêmes qui tend d’un côté vers les inondations et de l’autre vers les sécheresses. Les phénomènes d’inondations dans notre région sont d’abord liés à des causes naturelles car les épisodes cévenols ont toujours existé. Mais aujourd’hui ces phénomènes et leurs conséquences se renforcent, à cause d’une part du dérèglement climatique avec des pluies plus intenses et plus concentrées dans l’espace, et d’autre part à cause d’une urbanisation galopante qui a imperméabilisé les sols induisant des ruissellements des eaux. A ces phénomènes naturels et anthropiques s’ajoute une dimension culturelle de perte de la culture des risques liés à l’eau dû au fort renouvellement des populations sur la métropole.

La métropole a en charge la protection des inondations depuis les années 2000, mais plus récemment en 2018, cette mission s’est étendue à la GEMAPI, la Gestion des Milieux Aquatiques et de Prévention des Inondations. L’intérêt est que la métropole peut développer une vision large et plus intégrée du grand cycle de l’eau : la prévention des inondations et la gestion des milieux aquatiques (la gestion de la qualité des cours et des zones humides) sont en effet étroitement liées. Ainsi, la préservation de la biodiversité des milieux aquatiques peut permettre de réduire la vulnérabilité aux inondations : la restauration des zones humides par exemple peut permettre de jouer le rôle de zone d’expansion des crues. La métropole a aussi la compétences d’aménagement des territoires (SCOT, PLUI1) et y fait désormais apparaitre la notion d’« espace minimum de bon fonctionnement » qui permet de repérer et préserver les milieux aquatiques sensibles, d’y limiter l’urbanisation, et développer des stratégies de dés-imperméabilisation des sols.

Pour mettre en oeuvre ces politiques, les syndicats de bassin opèrent à l’échelle des bassins versants qui constituent l’espace géographique qui alimente un cours d’eau et ses affluents. Pour le Lez, le SYBLE (Syndicat du Bassin du Lez) opère à l’échelle du territoire qui déverse ses eaux dans le fleuve Lez et ses affluents (Lirou, Lironde, Mosson, Verdansson), soit 52 communes dont celle de Montpellier. Ce territoire qui comprend plus de 500 000 habitants est en constante augmentation (+23% en quinze ans), exerçant ainsi une forte pression sur les milieux aquatiques, en terme de quantité et de qualité. Le territoire du Lez est par ailleurs riche sur le plan de la biodiversité. Pratiquement la moitié du territoire est considéré comme des milieux naturels. A cela s’ajoute les zones agricoles qui occupent 20% du territoire du bassin du Lez, soit en tout plus de 2/3 de la surface qui est non urbanisée. Une partie est également classée zone Natura 2000 pour protéger ce milieu naturel.

La politique d’intervention actuelle est de tenter se sortir d’une logique uniquement réactive qui consiste principalement à construire davantage d’ouvrages de protection (comme les digues par exemple), mais d’entrer dans une logique d’anticipation et de plus grande résilience du territoire aux aléas climatiques qui vise à redonner aux cours d’eau leurs espaces de liberté pour leur permettre de mieux s’auto-épurer, de ralentir leur débit et de réagir moins vivement aux inondations selon des solutions davantage fondées sur la nature. Cette politique d’anticipation vise aussi le niveau individuel, et la résilience des habitations aux inondations par l’installation de dispositifs comme la mise en place de batardeaux par exemple. Cette politique d’intervention est à cette échelle individuelle appuyée par la recherche qui a mis en place un « Observatoire des inondations2 » qui vise à comprendre les conséquences des inondations par une observation fine des comportements lorsqu’une inondation a lieu chez des habitants ou des agriculteurs ou pour les accompagner dans l’équipement de leur maison
ou de leur exploitation agricole. L’objectif est aussi de mettre ces personnes en réseau pour partager leurs expériences.

Le lez : un patrimoine culturel à valoriser

Notre territoire bénéficie d’un patrimoine très riche mais très peu valorisé. A titre d’exemple, dans l’atlas des patrimoines qui donne les classements des monuments historiques, uniquement 7 patrimoines historiques y sont recensés, mais ceux-ci ne portent pas sur du patrimoine lié au Fleuve.
L’association Belvédères sur la vallée du Lez, paysages et patrimoines a conduit un inventaire hydraulique de la source du Lez à Castelnau-le-Lez. L’association a trouvé 36 patrimoines « dans l’eau » avec une plus d’une vingtaine de vieux moulins répertoriés et plus ou moins disparus. Ces moulins (moulins de l’évêque, de la Synagogue…) sont des vestiges des pouvoirs historiques qui structuraient le territoire. Ils sont apparus au XIème et XIIème siècle et pour certains ont fonctionné jusqu’aux années 1950.

Les moulins ne sont pas uniquement un bâti mais constituent tout un aménagement du fleuve avec des ouvrages hydrauliques, barrages et canaux d’amenée d’eau. Les barrages (pessières en patois) permettent d’établir une réserve d’eau pour les périodes d’étiage en été et assuraient le service des moulins à ces périodes de basses eaux. Ils constituaient aussi une réserve à poissons pour la pisciculture. On parlait ainsi de pêches « miraculeuses » d’anguilles par exemple. Ces pessières sont des patrimoines remarquables comme celui de Lavalette qui est très facilement observable. Les canaux d’amenée permettent de conduire l’eau aux moulins lorsque ceux-ci ne sont pas directement installés sur le bord du fleuve, comme à Prades-le-Lez et peuvent faire l’objet de belles balades. Enfin le bâti du
moulin et les systèmes d’irrigation et des ouvrages hydrauliques sont aussi des patrimoines remarquables.

Ces usages, régulations et aménagements du fleuve méritent d’être reconnues, valorisées alors qu’elles sont souvent menacées de destruction pour répondre aux objectifs immédiats de lutte contre les inondations. Cette dimension culturelle est importante à prendre en compte dans les politiques d’aménagement pour cultiver une mémoire de l’eau. Il s’agit de trouver des compromis entre enjeux écologiques et enjeux culturels et paysagers et de définir des projets autour du Lez permettant de les intégrer.

Comment l’agroécologie peut contribuer à réconcilier l’agriculture et l’eau

Les agriculteurs du territoire subissent déjà les effets du changement climatique. Cela fait cinq ans que les viticulteurs n’ont pas vu une année climatique normale (sécheresses, gels…). Comment faire une agriculture plus sobre en eau, alors qu’elle aurait théoriquement besoin de davantage d’eau pour faire face aux sécheresses ?

C’est toute une politique d’aménagement qu’il s’agit de revoir pour que les sols retrouvent un bon fonctionnement. En effet depuis 50 ans on a aménagé les terres pour que celles-ci drainent artificiellement l’eau par des buses qui captent l’eau installées dans les sols. Ces drainages artificiels sont été installés pour évacuer l’eau vers les rivières plutôt que d’être stockées dans les sols, amplifiant ainsi l’impact des inondations, et ne permettant plus aux sols de jouer leur rôle de stockage de l’eau pour les périodes sèches. Il s’agit donc de retrouver des fonctionnements naturels des sols en agissant d’une part avec les agriculteurs qui travaillent la terre, mais aussi – et surtout – avec les propriétaires du foncier qui souvent ont délaissé leur terrain. Il s’agit également de restaurer les haies et les murets qui ont pour vertu de retenir l’eau et les sols au niveau local et qui contribuent aussi à la biodiversité.

Des outils tels que les associations foncières agricoles (forme de syndic qui peut aller chercher des financements) sont testés pour accompagner les propriétaires et les inciter à réinvestir dans leurs terres afin de leur redonner leurs fonctions. Il s’agit également d’accompagner les agriculteurs vers des pratiques agricoles plus agroécologiques afin d’améliorer les propriétés des sols en augmentant leur matière organique, améliorant ainsi leur capacité de rétention de l’eau et leur capacité à stocker du carbone pour contribuer à atténuer le changement climatique. Ce sont des politiques transversales qu’il s’agit de mettre en place, articulant les politiques zéro déchet visant à récupérer la matière organique pour les utiliser dans les sols agricoles du territoire.

Conte sumérien dit par Isabelle Dangerfield (La goutte d’eau qui voulait aller à Jérusalem

Il était une goutte d’eau qui naquit dans un nuage en plein ciel, ainsi est la coutume chez les gouttes d’eau. Elle commença à voyager avec ses soeurs de par le ciel. Les gouttes d’eau sont adultes et conscientes tout de suite.
Elle voyageait, regardant la terre, contemplant les étoiles… Elle échappa aux éclairs qui parfois déchiraient le nuage où elle était et qui faisait tomber tant de ses soeurs par surprise. Elle, elle voulait choisir où aller. Elle interrogeait les unes et les autres et entendait leurs innombrables récits. Les eaux ont une grande mémoire, une mémoire d’éléphant. Le fait est connu : composées de mille et mille molécules, les gouttes d’eau ont vécu des milliards de vies antérieures à travers elles. C’est dire que notre goutte, toute jeune pourtant, avait une histoire riche. Et il lui prit l’envie d’aller à
Jérusalem.
« Prends garde aux déserts, lui dirent ses soeurs, tu y fonds de chaleur dans les sables ou le soleil te consume, ou le moindre être vivant te consomme. »
« Prends garde aux montagnes, l’avertirent certaines, selon que tu tombes ici tu es Espagnole, et là Française, quand ce n’est pas ici Française et là Italienne ! Ou bien Chilienne et non pas Argentine, Chinoise et non pas Indienne ! »
« Prends garde aux océans, lui dirent d’autres, ils t’absorbent, te salent et te conservent ainsi des millénaires, et la houle qui les traverse ne t’emporte jamais : elle te laisse là où elle t’a trouvée, t’ayant seulement remuée de l’amplitude de son onde… »
Nantie de tous ces conseils, notre goutte cherchait où tomber car les vents qui la portaient lui donnaient à penser qu’il coulerait de l’eau sous les ponts avant de l’amener à Jérusalem ; quand elle y arriverait, la ville ne serait peut-être bien qu’un tas de ruines, comme Ninive, Babylone, Angkor ou Tikal !
Finalement, elle tomba juste là où le Rhin et le Rhône naissent. Elle réussit à glisser du bon côté de la ligne de crêtes et dévala le Jura, arriva dans un ruisseau, rejoignit la rivière, atteignit le fleuve et là, elle dévala. Elle visita Lyon, passa sous les arches du pont d’Avignon…
Y dansaient des jeunes gens, et les robes provençales multicolores des demoiselles virevoltaient ; notre goutte – qui était un garçon bien élevé – ferma les yeux pour ne pas voir ces jambes nues qui n’en finissaient pas et se perdaient dans les jupons de dentelles.

Notre eau, opportuniste comme un scientifique ou un politique… se saisissait de toutes les occasions : un pêcheur, prenant un poisson, ne vit pas que la goutte qui s’accrochait à la ligne était celle qui voulait aller à Jérusalem. ; profitant d’un coup de mistral, elle remonta dans un nuage qui allait vers le sud. Ce fut pour elle un jeu d’enfant d’arriver au-dessus de Jérusalem. Elle avait acquis tant d’expérience d’avoir ainsi voyagé !
Mais là, elle entendit des cris : des éclairs sortaient des canons dans un fracas de claquements de fouets. Une foule d’être déchirés coulait comme un fleuve en son delta. La goutte eut soudain peur, craignant de s’écraser sur un canon de fusil brûlant qui l’eut sublimée et rendue au néant de ses milliards de molécules…
Mais elle n’avait pas fait tout ce trajet pour rien quand même !? Alors, elle se laissa tomber ; elle glissait dans l’air qui sifflait, dans le jappement des balles qui traçaient leur route meurtrière.
En arrivant, elle vit une femme qui tenait la bouche ouverte comme dans un cri, mais aucun son n’en sortait ; ses yeux étaient secs. Alors la goutte sut que là s’achevait sa route; elle se laissa tomber sur le bord de l’amande des yeux noirs et glissa sur la pommette, apaisant le visage en baignant sa douleur.