L’eau dans la métropole de Montpellier : comment la gérer et comment la préserver ?
Partager

1ere session : « L’eau dans les tuyaux »
Compte-rendu du café vert du jeudi 26 août 2021

Quels thèmes autour de l’eau ?

Cette réunion publique a été organisée par le groupe local EELV de Montpellier dans le cadre de ses cafés verts qui sont des lieux de débats sur des sujets de société d’intérêt et d’importance pour les citoyens de Montpellier et de la métropole. Le sujet de l’eau est large et Montpellier, par ses conditions climatiques, sa position littorale, et son rapide développement urbain, se situe au carrefour de nombreuses problématiques. Il a ainsi donné lieu à la programmation de deux cafés verts, le premier sur les questions relatives au « petit cycle » de l’eau, celle qui coule dans les tuyaux et qui est destinée à être consommée ; un second café vert prévu le 7 septembre portera sur le « grand cycle » de l’eau, celle qui coule dans les rivières.

Cette programmation a été conçue par un groupe de travail constitué par les personnes suivantes :
Sami Bouarfa : Groupe local EELV de Montpellier
Virginie Chambard : Groupe local EELV de Montpellier
Véronique Negret : Maire de Villeneuve-lès-Maguelone ; Vice-présidente de Montpellier Métropole
Bruno Paternot : Conseiller municipal de Montpellier
Catherine Ribot : Conseillère municipale de Montpellier
Thierry Ruf : Groupe local EELV de Jacou
Emmanuel Torquebiau : Groupe local EELV de Montpellier
Isabelle Touzard : Maire de Murviel-lès-Montpellier ; Vice-présidente de Montpellier Métropole
Thierry Vindolet : Conseiller municipal de Castries


Le petit cycle de l’eau : l’eau dans les tuyaux

L’eau que l’on consomme quotidiennement fait l’objet d’une gestion par la métropole de Montpellier qui est en pleine évolution puisqu’après le passage en régie de l’alimentation en eau potable il y a quelques années, la métropole a décidé du prochain passage en régie de l’assainissement. Les enjeux de cette transition, mais également la question des leviers pour économiser la ressource en eau ont été présentés et discutés avec un public de plus de 70 personnes.

Les personnes suivantes sont intervenues (dans l’ordre d’intervention) :

  1. Introduction par René Revol, Maire de Grabel et Vice-Président de Montpellier Métropole sur les enjeux du petit cycle de l’eau
  2. Les enjeux autour de la création d’une régie par Marine Colon chercheuse en sciences de gestion à AgroParisTech
  3. La réutilisation des eaux épurées : la porte d’entrée vers l’économie circulaire de l’eau ? par Nicolas Condom, président fondateur d’Ecofilae
  4. Économies d’eau : le rôle d’exemplarité des collectivités par Maxime Fantino de l’Agence Locale de l’Énergie et du Climat de Montpellier métropole
  5. Quelle tarification incitative pour économiser l’eau ? par Marielle Montginoul économiste à l’INRAE
  6. Vers un nouvel observatoire de l’eau au sein de la métropole de Montpellier par Thierry Ruf géographe à l’IRD

La session a été ouverte par Isabelle Dangerfield qui a interprété un texte de Henri Vinsonot consacré à l’eau (Le Pape des escargots cf ci-dessous)

Quels enjeux autour d’une mise en régie de la gestion de l’eau ?

Avec le changement climatique déjà à l’oeuvre qui aura comme effet d’induire une baisse des débits dans les rivières et dans les nappes, l’eau doit être vue plus que jamais comme un bien commun et non une simple marchandise. Le retour en régie de la gestion de l’eau au sein de la métropole de Montpellier répond à cet enjeu pour mieux répondre à l’intérêt général. Une première étape de cette mise en régie a été opérée en 2014 pour ce qui concerne les eaux brutes et l’eau potable ; une seconde
étape s’ouvre suite à une délibération de mars 2021 de la métropole de Montpellier qui a décidé d’élargir la régie à l’assainissement de l’eau. L’ensemble du petit cycle de l’eau sera donc prochainement sous régie publique : du prélèvement de l’eau (dans la réserve aquifère de la source
du Lez et dans l’eau du Rhône) à son rejet et son épuration avant que cette eau retourne au milieu naturel.

Quel statut pour la régie ? Cette régie a une personnalité morale indépendante de la collectivité ce qui lui permet d’avoir une autonomie de fonctionnement et une gouvernance plus ouverte et démocratique avec un conseil d’administration composé d’élu-es, de membres de la société civiles
(associations, recherche) et de personnels de la régie. Cette gouvernance est assez unique en France.
Cette entreprise publique a notamment pour but d’être plus économe que les entreprises privées, au profit des usagers.

Le défi d’aujourd’hui est donc que l’assainissement des eaux de la métropole intègre la régie publique et il s’agit de bien faire comprendre à toutes et tous cet enjeu fondamental mal connu du public.
Qu’est-ce en effet que l’assainissement ? C’est le fait d’acheminer l’eau, une fois usagée, vers des stations d’épuration pour lui redonner une qualité suffisante pour qu’elle rejoigne le milieu naturel et pour ainsi « boucler » le petit cycle de l’eau. A Montpellier c’est 1500 km de canalisations et 13 stations d’épuration dont Maera la plus grosse d’entre elle, et de loin. Les enjeux de l’assainissement sont très importants : de santé publique (dans beaucoup de pays en développement l’assainissement n’existe pas, et de nombreuses maladies hydriques telles que le choléra sévissent encore), économiques avec d’important coûts d’investissement et d’entretien des réseaux et des stations, d’urbanisme avec un accroissement de population important à Montpellier qui implique de nouveaux réseaux à réaliser et
d’eaux à traiter, et enfin environnementaux pour maintenir la qualité des milieux aquatiques (y compris avec les questions liées aux résidus médicamenteux qu’il faut notamment traiter spécifiquement mais aussi réduire à la source ).

Aujourd’hui et jusqu’au 31 décembre prochain, ce sont deux délégataires privés, Véolia (gestion technique) et Aqualter (gestion clientèle), à qui sont confiés respectivement la gestion technique et la gestion clientèle de l’assainissement sous le contrôle de la direction d’eau et d’assainissement de la métropole. Cette direction est elle-même chargée de la planification des investissements futurs, le respect de la qualité de l’eau dans les milieux naturels. L’ensemble des missions des délégataires et du service de l’assainissement seront progressivement transférées à la nouvelle régie étendue à l’assainissement. Les personnels oeuvrant aujourd’hui pour les délégataires pourront être transférés vers la régie, ce qui est particulièrment important étant donné l’enjeu de maintenir la croissance

Aller vers une « économie circulaire de l’eau »…

Au-delà des enjeux propres à l’assainissement, la volonté de maitriser l’ensemble du petit cycle de l’eau à travers une régie intégrant l’eau potable et l’assainissement a pour vocation de permettre une capacité à rompre le modèle actuel de gestion du petit cycle de l’eau. Celui-ci est en effet aujourd’hui fondé sur l’idée d’une eau qui se transforme de produit en déchet qu’il faut exporter en dehors de la ville, traiter et rejeter au milieu naturel. De nouveaux modèles fondés sur une économie plus circulaire,
c’est-à-dire avec des cycles de réutilisation plus courts au travers la re-conceptualisation de l’habitat, qui permette par exemple de réutiliser les eaux « grises » en les traitant et en les réutilisant localement, et plus largement d’un urbanisme adapté à la réutilisation des eaux, sont de nouvelles approches prometteuses. Ces nouvelles approches doivent cependant être étudiées sur un plan économique, au niveau du risque sanitaire et environnemental, ainsi que du point de vue de leur
acceptabilité sociale.

La station Maera, qui sera prochainement modernisée et redimensionnée, est un bon exemple de changement de modèle. Aujourd’hui, cette station située à Lattes rejette son eau à la mer via un émissaire. Or cette eau qui a été traitée, pourra faire l’objet d’autres usages tels que des usages
agricoles, ou plus généralement de verdissement d’espaces urbains.

… Sans négliger non plus les économies d’eau !

Il est aussi déterminant de tout mettre en oeuvre pour maitriser les consommations d’eau et de limiter les pertes en eau.

Une meilleure maitrise des consommations passe par un suivi des consommations d’eau dans les collectivités pour évaluer les besoins et les marges d’économies d’eau. Pour exemple, le ratio moyen de consommation sur les communes de la métropole est d’environ 2m3/hab./ an). Cette valeur permet de se « comparer » rapidement avec des communes de taille équivalente et agir en fonction. Ce suivi a pu mettre en évidence de nombreuses disparités et révéler des fuites non visibles sur les
équipements et bâtiments communaux. L’ALEC oeuvre pour la réduction des consommations à l’échelle des collectivités et des particuliers (notamment au niveau des écoles), à travers plusieurs modalités : l’analyse des consommations d’eau, l’apprentissage des gestes pour limiter la
consommation en eau et les fuites « après compteur » (c’est-à-dire l’eau qui est payée par l’usager), l’installation de dispositifs hydro-économes (mousseurs sur les robinets par exemple), etc. Un label « commune économe en eau » a été créé en 2021 pour aller encore plus loin dans les actions d’économie d’eau et partager différents retours d’expériences.

Pour économiser l’eau, il est aussi nécessaire de la payer de manière juste et incitative. Au-delà du
nécessaire financement du coût du service de l’eau et d’assainissement, la tarification donc aussi être conçue pour être une aide à aller dans la bonne direction : le signal est de dire que l’eau est rare et qu’elle a un prix. On peut ainsi distinguer un tarif pour de l’eau essentielle et un tarif pour de l’eau de
confort. Il est en effet important que la tarification n’exclut pas les populations les plus pauvres de l’accès à l’eau. A Montpellier par exemple, la tarification présente une part fixe d’abonnement de 18 euros par an et une part liée au volume de 3,41 euros TTC par m3 (incluant l’assainissement). Mais ce coût n’est valable que pour 120 m3 par an, au-delà l’eau est plus chère au m3. Un des moyens d’aller plus loin encore pour dissuader les usagers à utiliser l’eau « de confort » serait de faire payer
l’intégralité de l’eau consommée à un tarif supérieur si une valeur seuil est franchie ; il est aussi possible d’adopter une tarification saisonnière (plus chère en été qu’en hiver par exemple) …

La réflexion autour d’une tarification incitative peut néanmoins s’avérer complexe. Elle repose tout d’abord sur la mesure de la consommation. Or les compteurs individuels ne sont aujourd’hui généralement installés qu’en habitat individuel, puisqu’en habitat collectif le compteur est souvent
partagé. Elle nécessite aussi que la population connaisse leur facture d’eau. Or généralement cette dernière mal connue et peu comprise. Pour finir, comme le budget « eau » d’un ménage représente souvent une part très faible dans le revenu, il est important que la population ait conscience de
l’importance d’économiser l’eau. Notamment à Montpellier, les enquêtes montrent qu’il n’y a pas une conscience générale que l’eau est rare et qu’il est important là encore de sensibiliser à la rareté de l’eau.

Enfin la lutte contre les fuites du réseau d’eau est un enjeu essentiel et constant en termes de maintenance. La performance actuelle du réseau de Montpellier est de 83%, soit 17% de pertes, ce qui situe la métropole dans une bonne moyenne à l’échelle nationale.

Vers un observatoire de l’eau à Montpellier

Crée au XIième siècle la ville de Montpellier s’est développée à l’écart du réseau hydrographique : le Lez est loin de la ville et le Verdanson – appelé alors le Merdanson – est le réceptacle des eaux usées. Ce n’est qu’au milieu du XIXième siècle que le droit des citoyens de Montpellier à avoir de l’eau en ville a été reconnu par rapport à des autres usages (agricole, pèche, port de Lattes). La première régie d’eau a été créé en 1898 (qui n’intègre d’ailleurs pas de nombreuses communes alentours qui sont restés
longtemps sans accès à l’eau potable, ne s’alimentant qu’à partir de puits publics ou privés. Cette situation va justifier l’organisation d’un Congrès de l’eau en 1923 qui appelle à une nouvelle gouvernance entre les différents territoires ruraux sous-équipés et les villes, mais aussi d’idées nouvelles et d’innovations. Le congrès de 1923 de Montpellier a traité de nombreux sujets discuté lors des deux cafés verts et a produit des idées déterminantes pour la gestion de l’eau au cours des dernières décennies et jusqu’à aujourd’hui1. L’analyse historique met aussi en évidence qu’il faut
trouver un chemin entre la remise en en cause radicale d’un système d’infrastructure mis en place sur le long terme et la nécessaire évolution de la gestion de l’eau pour faire face aux nombreux enjeux évoqués lors de ce café vert.

En 2014 a été créé un Observatoire de l’eau de Montpellier destiné à accompagner a mise en place de la régie d’eau potable. Les circonstances politiques de l’époque n’ont cependant pas permis à cet observatoire de se développer. Mais le besoin d’un outil de partage demeure entre les élu-es, les différentes institutions impliquées dans la gestion de l’eau, les citoyen-nnes, les usagers, les entreprises, les mouvements politiques et sociaux, la recherche… A l’image du congrès de 1923, un tel observatoire pourrait permettre de prendre en charge les enjeux d’aujourd’hui : l’adaptation au
changement climatique, une cohérence territoriale à repenser (au-delà des limites actuelles des réseaux), la réutilisation des eaux usées, la récupération des eaux pluviales, les solutions fondées sur la nature pour limiter les inondations, l’irrigation des cultures périurbaines…

Un appel est ainsi lancé pour la (re)création de l’observatoire de l’eau de Montpellier et à cette fin organiser un siècle après, le congrès de l’eau de Montpellier de 2023 qui pourra dresser les grands axes stratégiques d’une vision renouvelée de la gestion de l’eau dans la métropole de Montpellier.

Pour en savoir plus sur cette histoire : Les enjeux de l’eau dans et autour de la métropole de Montpellier par Thierry Ruf: https://cafe-geo.net/les-enjeux-de-leau-dans-et-autour-de-la-metropole-de-montpellier/

Texte joué par Isabelle Dangerfield (Le Pape des escargots, Henri Vincenot)

 » A Dijon, à Mâcon, à Auxerre, les préfets sont affolés !
A Beaune, pas plus tard qu’hier, le sous-préfet parlait de se jeter dans la Bouzaize.
Savez-vous pourquoi ?…
De partout les maires leur apprennent que l’eau manque ! Les captages sont insuffisants et la nappe «phréatique » comme ils disent, va manquer !
« Voilà ce qu’il en coûte, bonne gens, de se laver tous les jours ! Voilà ce qu’il en coûte de gaspiller comme vous faîtes, barbares !
L’Eau, la chère, la pure, la sainte petite eau !
Le sang de nos roches claires !
L’Eau est une matière sacrée, élément du Grand Oeuvre, et vous vous en servez pour vous laver les fesses pour un oui ou pour un non ! Chaque fois que vous allez faire une crotte dans vos cuvettes en porcelaine, c’est dix litres d’eau qui partent pour rien !
Dix litres d’eau pour une merde ?
Je continue, car il y a pire :
le 5 juillet, les gens de Mésilly ont voulu capter la source des Cabarets. Les hommes en blanc ont analysé
l’eau ; inconsommable, qu’ils ont dit. Elle contient des vacheries : des phosphates !
Le 10 juillet, à Monthaud, même chanson : l’eau est « sulphydrique » !
Le 22, à Ampigny, l’eau est « sulfonnée » ! Cet hiver, à Bourbecourt : danger ! l’eau est « nitrique » !
– Mais d’où ça vient que notre eau soit pleine de vacheries comme ça ?
– Mais c’est vous, beuzenots, qui répandez vos superphosphates, vos nitrates, vos sulfates, vos ammoniates sur toutes vos vignes et vos paturages, et vous demandez d’où ça vient !

Vous empoisonnez l’eau de vos sources !« 

Une réflexion au sujet de “L’eau dans la métropole de Montpellier : comment la gérer et comment la préserver ?

  1. Ce compte rendu et celui qui viendra sûrement après le deuxième café vert sur ce thème pourrait faire l’objet d’une petite brochure. Vraiment passionnant ! Ce type de travail collectif m’aurait tant aidé quand j’ai été propulsé au bureau du syndicat des eaux d’île de France dirigé à l’époque par le maire de droite d’Issy les moulineaux et ce pour y représenter les Verts d’île de Fr.
    Il est fréquent d’entendre que des campagnes de communication, sensibilisation de la population pour respecter le tri des déchets devraient se faire, on l’entend moins pour les questions liées à l’eau. Ce travail pourrait se prolonger par une incitation à une campagne sur cette question de l’eau et du respect de ce bien commun. Merci vraiment pour ce travail

Les commentaires sont fermés.