Thierry Ruf : « L’eau, combat social et politique »
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Thierry_RufMidi Libre – Édition du samedi 29 mai 2010

Elu Vert à Jacou, Thierry Ruf est directeur de recherche à l’IRD, membre du bureau de l’association internationale de l’histoire de l’eau. Il est invité du festival Passerelles de Grabels, aujourd’hui dimanche 30 mai.

ENTRETIEN

Quel intérêt voyez-vous à aborder le thème de l’eau face au grand public ?

L’eau intéresse le grand public. Les gens veulent comprendre comment marche le monde et ils aspirent à la connaissance pour l’action. L’eau, on n’en parle jamais ou alors sous des formes paternalistes. Or, chacun sait bien que c’est vital et que la manière dont on y accède est essentielle, en ville, comme à la campagne. J’ai répondu à de nombreuses demandes d’intervention dans différents cadres, comme la fête de la science, des conférences d’association ou encore la formation de militants associatifs ou politiques.

Votre intervention se base sur les luttes liées aux différentes cultures de l’eau en Méditerranée. Que voulez-vous montrer ?

L’eau est un combat social et politique qui a une longue histoire et qui a inspiré et façonné différentes cultures. Être privé d’eau est inacceptable et des crises historiques ont marqué les esprits. On se bat contre les éléments et en Méditerranée, les épisodes de sécheresse ou au contraire de crues destructrices sont dans nos mémoires collectives. Mais la violence de l’eau n’est pas que climatique. Elle est aussi sociale, parce que de nombreuses personnes en milieu urbain ont accès à l’eau potable dans de très mauvaises conditions et que, dans le monde rural, la question se pose aussi de manière terrible avec les nouvelles politiques mises en oeuvre un peu partout selon le même dogme mondial : économiser l’eau et la payer le plus cher possible sur des marchés supposés concurrentiels. De plus, les responsables des déséquilibres hydriques ne sont pas les familles paysannes mais les entrepreneurs sans scrupule qui pompent dans les nappes phréatiques et surexploitent les ressources. Cela existe partout, en France ou en Espagne, au Maroc comme en Tunisie, et évidemment avec encore plus d’acuité en Israël et en Palestine.

Ces luttes sont-elles toujours d’actualité ? Visent-elles d’autres intérêts ?

Au Sud comme au Nord, les luttes pour les eaux se développent sous différentes formes. On ne fait rien pour arrêter les surexploiteurs des ressources. La lutte pour l’eau n’est pas mondiale, elle est locale. En revanche, on peut mettre en cause le discours mondial sur l’eau largement sous-jacent au projet de pôle mondial de compétitivité que Montpellier vient d’obtenir. J’analyserai cela au cours de la conférence, comme des pièces pour le débat plus politique qui suivra avec René Revol, Monique Pétard et Nathalie Medeiros, qui viennent de trois horizons différents.

Votre fonction d’élu municipal à Jacou vous permet de jouer un rôle militant en région, quelle forme prend-il ?

Je suis un élu local des Verts inspiré par l’écologie politique, cela m’a permis de comprendre plus vite ce qui se trame en région. Je ne suis pas du tout d’accord avec le rôle donné aux entreprises privées et singulièrement à Veolia, à tous les niveaux de décision, de l’Agglo de Montpellier à la Région toute entière. La lutte pour l’eau, c’est aussi des exigences démocratiques. Le prix de l’eau a baissé parce que les comptes montraient que les marges de l’entreprise privée étaient bien plus importantes que le rapport comptable le présentait. Il faut se battre pour consommer beaucoup moins d’eau, mais il faut aussi gérer la demande. L’eau doit être une affaire de citoyens éclairés par différentes informations et pas par des technocrates inspirés par les idées néolibérales qui voient en l’eau une marchandise à exploiter au XXI e siècle.

Thierry Ruf est directeur de recherche à l’IRD et animateur de l’équipe « gestion sociale de l’eau ». Par ailleurs membre élu du bureau de l’IWHA, association internationale de l’histoire de l’eau. Il sera dimanche à 17 h, salle de la Gerbe. Entrée libre. Contact Passerelles : 06 10 98 04 53